novembre 10, 2025

Les fondamentaux de l’architecture traditionnelle chinoise

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Parmi les exemples d’architecture historique fascinante, se trouve en bonne place l’architecture traditionnelle chinoise. Elle recèle d’innombrables richesses en termes de technique, d’esthétique, de symbolisme et de tradition. Vue de loin, elle peut paraître très complexe à appréhender, et il serait hasardeux de prétendre en cerner tous les contours à travers quelques lignes seulement. C’est pour cela que je vous propose d’aller à la découverte des fondamentaux de l’architecture chinoise traditionnelle : Quelles sont ses origines ? Comment a-elle évolué ? quelles techniques et matériaux ont permis son développement ? quelles sont les spécificités de l’architecture des charpentes traditionnelles chinoises ?

1. Les origines

Il y a environ 1 million d’années, les habitants de l’empire du milieu vivaient dans des habitations troglodytiques. Il s’est ensuite développé aux alentours du fleuve jaune, des habitations semi-enterrées, avec des ossatures bois garnies de de torchis et des murs à base de lœss [1]. Les constructions sur pilotis se sont quant à elles développées dans la vallée du Yangzi et les marais du Sud. L’ossature bois, style de construction plus répandu en chine, fait son apparition durant le Néolithique. Durant cette période, une cinquantaine d’ethnies contribueront grandement au développement de l’architecture chinoise : grottes creusées ou maisons en murs de pisé en chine du Nord ; maisons en bois sur pilotis au Sud ; murs épais avec toitures terrasses sur le plateau tibétain ; yourtes en région Mongole ; constructions à toit brisé dans le Nord Est ; usage intensif de la pierre (Fu et al., 2005). En plus du domaine des édifices bâtis, la notion d’architecture en chine a tendance à s’étendre à la conception des villes, des jardins, des charpentes, de la décoration, à la culture religieuse et impériale. Déjà au néolithique, les habitants bâtissaient des villes au tracé généralement symétrique où les palais impériaux occupaient essentiellement la place centrale.

2. Evolutions et influences subies

Durant la période des Trois Dynasties, les techniques de construction en terre et bois se sont améliorées. Les assemblages articulés dougong apparaissent en lieu et place des anciens tenons mortaises. La terre damée est plus utilisée pour les enceintes de ville et fondations. Les tuiles de céramique et de terre servent à réaliser des éléments de construction. Quant aux couleurs, généralement, les murs étaient blancs (chaulés), et le sol noir.

Durant les dynasties Qin et Han s’opère une véritable prolifération des édifices rituels et funéraires grandioses. Les premiers édifices à ossature bois à plusieurs étages apparaissent et sont précurseurs des futures pagodes emblématiques. Concernant, les constructions funéraires, différents types de voûtes sont utilisées dans les tombes. L’utilisation de la brique, de carreaux de céramique, et l’emploi de la structure tailang [2] se sont accrus.

Voûtes funéraires durant les HAN - Ulrich YALO

La période allant du IIIe au VIe siècle a connu une montée de l’architecture religieuse. C’est en effet durant la période des Han Occidentaux qu’a été introduit le bouddhisme (provenant de l’Inde) en Chine. Son influence sur le plan architectural a été la construction de pagodes. Ces édifices, qui pouvaient culminer à l’origine jusqu’à 9 étages, sont une adaptation chinoise des stupas indiens. La pagode se dressant au centre des monastères, se présente comme une superposition de pavillons avec généralement des déambulatoires extérieurs.

La période des Sui, des Tang et des 5 Dynasties a connu différents types de structure bois répertoriés en 4 catégories : le type diantang (pavillon de haut rang) ; le type tingtang (pavillon de type ordinaire) ; le type yuwu (stucture annexe) ; le type tingxie (pavillon simple). Les pagodes sont reconstruites, substituant la pierre aux bois, afin de garantir leur pérennité (Wikipédia, 2023). Plusieurs éléments caractéristiques de l’architecture traditionnels chinoise ont trouvé pendant cette période, un ancrage ou un développement important comme : l’incurvation des bords de toiture, le renflement (entasis) des poteaux, la codification des couleurs (jaune et vert pour les faîtages et bords de toit, rouge pour les piliers, verts pour les encadrements de menuiserie, blanc pour les murs) (Fu et al., 2005)

La période allant du Xe au XIIe siècle a connu un perfectionnement de l’ossature bois et de la boiserie. Les trois modèles prioritaires étaient : le modèle tailing (colonne, poutre et entrait) ; modèle diantang (pavillon de haut rang) ; modèle tingang (pavillon ordinaire) (Fu et al., 2005). Parmi les formes de toit les plus fréquentes, on peut citer : la toiture en croupe, la toiture à neuf arêtes et la toiture à deux versants. En général, les colonnes étaient légèrement inclinées vers l’intérieur, et plus haute au fur et à mesure qu’on s’approche des angles (Wikipédia, 2023). Cela favorisait l’incurvation des toits, l’expansion et la contraction des assemblages en cas de froid et d’humidité. En ce qui concerne la boiserie des entrées, il y avait : les portes pleines (façades de bâtiment et entrée de villes), les portes à têtes de corbeaux (exclusivement réservées aux murs d’enceinte), les portes à treillis. Les fenêtres à châssis ouvrants sont une innovation de cette époque notamment durant la dynastie des Song (Fu et al., 2005).

Durant la période des dynasties Yuan et Ming, plusieurs restrictions déjà existantes depuis les Song (limitation des couleurs, interdiction d’avant-toit au bord relevé, etc.) ont été étendues aux constructions de fonctionnaires, ces privilèges étant réservés aux membres de la famille impériale. Les typologies d’habitat se sont diversifiées. La pratique du fengshui, certes très ancienne, trouva dans cette période un développement intense. Il s’agit d’une pseudo-science comportant toutes les pratiques qui concourent à trouver un site et à agencer ou aménager une construction, afin de permettre l’harmonie entre les forces de la nature et les besoins naturels et psychologiques des êtres humains.

Enfin, la dynastie des Qin a connu un grand essor du design des jardins et de la construction. Des matériaux tels que le bois de feuillus, le bronze, l’or, le papier, le jade, la soie, les coquillages, les laques, le verre, etc. apportent de la nouveauté. L’utilisation du bois d’œuvre est en net recul et est remplacé par la pierre, la brique, le bambou, le roseau et la chaux. Des assemblages des structures bois apparaissent. Les piliers massifs sont remplacés par des piliers plus fins, assemblés par bandeaux en fer. Ils sont ensuite recouverts de mélange de plâtre et de fibres de chanvre pour obtenir un aspect de pilier de section massive. L’art décoratif occupe une place plus prépondérante. « L’élégance de la structure a cessé d’être la finalité ultime de l’architecture, et elle a été supplantée par l’apparence des ensembles d’éléments qui la constituent… » (Fu et al., 2005). A cette période, on pouvait faire l’inventaire d’une grande multiplicité de l’habitat traditionnel chinois : maison autour d’une cour (style le plus répandu), maison souterraine, édifices sur pilotis, tentes, maisons en moellons, maisons des Ouïghours en terre et toit plat, etc. Parmi les maisons à cour, le modèle dominant était le Siheyuan, type de maison close sur les quatre côtés. Certaines formes d’habitat urbains se sont développés avec un style de cellule composée de logement à l’arrière et de boutique en façade sur rue, surmonté parfois d’étage résidentiel.

2. Les styles de charpente

La charpente bois représente l’une des caractéristiques essentielles de l’architecture chinoise. On en distingue deux types : le type tailiang et le type chuandou.

Dans le type tailiang, les colonnes reposent sur des pieds situés sur les quatre coins d’un bâti modulaire. Des poutres situées aux sommets enjambent l’espace qui les séparent, reliant deux par deux les bâtis parallèles. C’est le type de structure le plus répandu.

Dans le type chuandou, les colonnes supportent directement les charges et sont simplement désolidarisées par des poutres. Les édifices de types chuandou sont largement répartis dans le sud de la chine principalement au sud de la montagne Qinling et de la rivière Huai. Certains se retrouvent dans la région méridionale du Shanxi et la provine de Henan (Congcong et al., s. d.).

Par ailleurs, le dougong est un élément unique de la charpente traditionnelle chinoise. C’est une pièce en bois constituée du gong (bras double en forme d’arc) et du dou (bloc de bois supportant chaque gong à chaque côté). Jouant à l’origine une fonction structurelle par apport d’un appui supplémentaire, les dougong ont été de plus en plus réduits à un rôle décoratif à partir de  la dynastie de Yuan et des Ming.

En somme, l’architecture chinoise est très diversifiée. Elle a connu plusieurs évolutions, chaque dynastie apportant son lot d’inventivité et d’originalité. C’est une architecture qui a su également s’adapter aux climats des régions où elle a été implantée. Il n’en demeure pas moins que l’architecture traditionnelle chinoise possède des éléments caractéristiques qui la rende unique : le types de construction adaptées aux rangs des propriétaires, la pratique du fengshui, le savoir faire du bois, les charpentes atypiques en bois, les formes de toitures et la richesse des couleurs pour ne citer que ceux là.

[1] Dépôts sédimentaires de limon, ayant été transportés par le vent.

[2] Type de structure se constituant de colonnes, poutres et poinçons.

Références

Congcong, R., Ruchen, B., & Simiao, L. (s. d.). CONSTRUCTION OF CHUANDOU TIMBER HOUSES IN SOUTHWEST CHINA: TECHNOLOGY AND COMMUNITY.

Fu, Guo, Liu, & Pan. (2005). L’architecture chinoise. Philippe Picquier. 368 Pages

Wikipédia. (2023). Architecture sous la dynastie Song. In Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Architecture_sous_la_dynastie_Song&oldid=204593876

Images

Temple du ciel à Pékin [Couverture] – Jia Xu, pixabay

Voûtes funéraires durant les HAN – Ulrich YALO

Stupa Dhamek en Inde – Terry Feuerborn, flickr

Les trois pagodes à Dali construite durant les Tang – Gaelmonk, flickr

Détails d’architecture de cité interdite de pékin (1406 et 1420) – Maria Teresa Martínez , pixabay

Modèle d’une maison Siheyuan, style le plus répandu en Chine – Eric Firley, flickr

Schéma d’ossature Tailiang – Ulrich Yalo

Schéma d’ossature Chuandou – Ulrich Yalo

Schéma d’un Dougong – Ulrich Yalo

Portique avec des éléments Dougong – Totoosart, pixabay


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